1-Cadre historique :
Au début du XIXe siècle, le projet de doter le village de bornes-fontaines et de deux fontaines jaillissantes fait suite à plusieurs pétitions des habitants de la Grande-Rue et de la rue des Maréchaux d’avoir à leur disposition de l’eau potable de meilleure qualité que celle des puits existants.
On note dans le « Rapport à l’appui du projet de construction de plusieurs bornes-fontaines et fontaines jaillissantes (..) » daté du 05/05/1849 :
-« Depuis plusieurs années, les diverses administrations municipales qui se sont succédées se sont préoccupées d’un projet de distribution d’eau pour l’alimentation journalière d’une partie notable des habitants de cette commune (…).
-« Aujourd’hui, le conseil municipal, dans la persuasion qu’il obtiendra la vente de plusieurs coupes de bois qui doivent produire environ cent mille francs[1], vient de nouveau de charger l’architecte soussigné de compléter le travail précédemment élaboré (…)[2]».
On ne parlera ici que de la fontaine dite « de la rue des Maréchaux », en place aujourd’hui place de la Mairie. Les spécifications sont les mêmes pour la seconde fontaine installée « Place de la Halle ».
2-Devis descriptif :
Un premier devis descriptif est établi par l’architecte NARJOUX à l’attention des futurs pétitionnaires ; il est daté du 10 février 1854.
Outre les dimensions prescrites et les contraintes techniques qu’il impose (diamètre des jets d’eau, soupape de décharge, évacuation du trop-plein etc..), il mentionne expressément :
-« Le monument en fonte à placer au centre de ce bassin sera coulé dans les fonderies du Val d’Osne (Haute-Marne)».
Un second devis (ou cahier des charges) est établi le 10 mars 1857. Il précise :
-« La première fontaine jaillissante, et la plus importante[3], sera placée à l’origine de la rue des Maréchaux, du côté du clos[4] de Mr de LACUISINE ; elle aura 3 jets continus (…).
-«Le pourtour du bassin sera en pierre de taille, mais la partie supérieure formant le corps principal sera en fonte ornementée, suivant que l’indique le dessin joint[5], ou de tout autre dont pourrait faire choix l’administration municipale …).
-« Les socles supportant ces fontes seront en pierre de taille[6].
-« La pierre de taille (…) pour le socle de la fontaine jaillissante et son bassin, sera taillée à la fine boucharde entre 4 ciselures, et avec le plus grand soin (…).
-« Le corps de la fontaine sera en fonte, du modèle choisi par l’architecte, de concert avec l’administration municipale (…) ».
3-Travaux :
Les travaux vont s’échelonner sur plusieurs années.
Il s’agit d’abord d’amener l’eau provenant du « Bassin de la Source » (quartier St Nicolas), tout au long de la Grande-Rue par une canalisation en fonte, jusqu’aux divers emplacements des bornes-fontaines et des deux fontaines jaillissantes.
C’est l’entreprise fontenoise NOUVEAU-CHAUSSARD qui emporte l’adjudication.
Au final, le premier PV de réception des travaux, daté du 2 juillet 1862, montre bien l’importance du chantier alors entrepris : 5 années de travail !
On y lit jusqu’au menu détail des dépenses faites par l’entrepreneur. Par exemple :
-« Pose des fontaines jaillissantes : transport depuis la gare chez le serrurier POULEAU de la fontaine de la rue des Maréchaux, à 500 m. environ de distance…10,00 F ;
-« Mise en place de la fontaine, y compris les échafaudages et aide de plusieurs ouvriers…20,00 F ;
-« Main d’œuvre du ferblantier DUPUIS pour pose des tuyaux en plomb avec la cuvette intérieure de cette même fontaine……30,00 F » etc.….
Il aura donc fallu au total, entre le premier projet (1846), et la finalisation des travaux (1862), pas moins de 16 ans pour que les Fontenois de la rue des Maréchaux et de la Grande Rue aient l’eau courante !
4-La fontaine :
Elle a été choisie, banalement, sur catalogue. Ses « mascarons » «(pièces d’ornementation rapportées) ont été choisis de la même manière.
La partie en fonte, et notamment l’angelot (dans le style italien des « putti » de la Renaissance), choisis au final par la mairie, et ceux initialement prévus par l’architecte, sont très différents ; affaire de coût sans doute (voir le dessin d’architecte[7] pour le premier).
Celui que nous connaissons, avec sa conque sur la tête, et les têtes de Minerve s’ouvrant sur les côtés du corps de fontaine, provient bien de la fonderie du Val d’Osne (voir la page de catalogue correspondante).
Plusieurs fontaines publiques avec un angelot exactement semblable existent en France : Marmagne (Saône-et-Loire) ; Villeneuve-le-Roi (Val-de-Marne) ; rue Charlemagne à Paris …..
Le modèle initial a été dessiné et réalisé pour la fonderie par le sculpteur Hubert LAVIGNE (né en 1818 à Cons-la-Granville, Meurthe-et-Moselle-décédé en 1881 à Paris).
On notera que c’est ce dernier qui publie, en 1881, au nom de la Société de l’Histoire de l’Art français, les billets d’enterrement ou de décès des artistes français, parmi lesquels, celui de François PROTHEAU sculpteur-statuaire fontenois (1823-1865).
Michel BONNOT et François SIKNER
(Décembre 2015)
©-Groupe de Recherches et d’Etudes Fontenoises-2015 |
[1] C’est un centre d’intérêt qui est toujours d’actualité !
[2] Architecte NARJOUX, de Chalon/Saône comme maitre d’œuvre. Projet initial daté de 1846.
[3] La seconde est évidemment celle du « bassin aux tortues », dans le (futur ??) square Madeleine GOUFFIER, autrefois appelé « place de la Halle ».
[4] Racheté ultérieurement par le baron de Sainte Suzanne.
[5] Voir illustration à la fin.
[6] Prise aux carrières de Montaigu.
[7] C’est le modèle adopté par la commune de Givry, à peu près à la même époque.
Extrait du devis descriptif du 10/02/1854.
(A.C.Fontaines- 3 N 1)
Dessin de la statue en fonte prévu par l'architecte Narjoux
du 10 mars 1857.(A.C. Fontaines-3 N 5)
A gauche, la statue retenue par la municipalité pour la fontaine de la rue des Maréchaux.
Source : Catalogue de la S.A. des fonderies du Val d’Osne.
Ca : 1860.
Vue de la fontaine vers 1905. On achève de recouvrir « l’aqueduc » et la canalisation. Un mur clôture la propriété du baron de Sainte Suzanne.
La fontaine vers 1906-1910. Elle est protégée par un trottoir. Noter l’importance du débit d’eau !
La fontaine vers 1910. Derrière, le parc de la propriété du baron de Sainte Suzanne.
La fontaine à la fin des années 90 .Photo : JOSSERAND
La fontaine aujourd'hui détails. Photo : M.B.
La fontaine du village de Marmagne (71) : Située dans un village rural comparable à Fontaines au tout début du XXe siècle,la fontaine est ici simplement protégée par un pavage.Carte postale ancienne-Vers 1905-1910.
Fontaine de la rue Charlemagne. Paris(4). A droite: gros plan sur le porte vasque
Fontaine de Villeneuve-le-Roi(94). Carte postale ancienne (ca 1910).